Hypocrisie, ignorance et erreurs d’Israël
Par Sacha Wigdorovits
BILD.de l’a résumé sans détour : « De l’argent pour le terrorisme au lieu de la lutte contre le terrorisme », titrait le plus grand média en ligne d’Allemagne. Il faisait référence à la décision de l’Union européenne de suspendre ses paiements à Israël en raison de son attaque contre les cinq plus hauts dirigeants du Hamas au Qatar.
« Il existe à peine un État voyou que l’UE ne cajole pas et ne finance pas. Mais c’est contre Israël que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, agit désormais, en annonçant la suspension de tous les paiements bilatéraux à l’État juif », écrit BILD.de. « En d’autres termes : à partir de maintenant, l’UE enverra les milliards d’euros de ses contribuables à des pays gouvernés par des terroristes ou qui les soutiennent – mais pas à celui qui les combat plus que tout autre. »
Parmi les exemples cités par BILD.de figurent l’aide de l’UE à l’Afghanistan (141 millions d’euros), à l’Iran (126 millions d’euros, dont 10 millions cette année) et à l’Autorité palestinienne, à laquelle l’UE a promis 620 millions d’euros pour l’année en cours.
Le commentaire du média allemand le plus populaire conclut : « La politique actuelle d’Ursula von der Leyen et de ses collègues s’inscrit dans la longue série d’erreurs de l’UE. Au lieu de sanctionner la Russie, l’Europe a rempli la caisse de guerre de Poutine. Au lieu de combattre le régime des mollahs, elle lui a versé des milliards. Dans la lutte contre le terrorisme, l’Europe se trouve une fois de plus du mauvais côté de l’Histoire. »
Rien à ajouter, sinon que nous, en Suisse, ne valons guère mieux que l’UE.
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a lui aussi condamné avec fermeté, au nom de notre pays, l’attaque d’Israël contre les cinq dirigeants du Hamas à Doha, la qualifiant de « violation inacceptable de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Qatar ».
Et cela, notons-le, vingt-quatre heures seulement après être resté silencieux lorsque deux assaillants palestiniens ont abattu six Israéliens à Jérusalem. Seul l’ambassadeur suisse en Israël, Simon Geissbühler, a exprimé sa sympathie aux victimes et à leurs familles – sans toutefois condamner les terroristes palestiniens.
L’exemple de l’UE et du DFAE, infiltré par la gauche – dont le chef Ignazio Cassis, pourtant favorable à Israël, est trop faible pour s’opposer à ses fonctionnaires – illustre bien l’hypocrisie des gouvernements européens face à Israël.
Lorsqu’il s’agit de l’État juif, les doubles standards s’imposent comme pour aucun autre pays. L’UE a-t-elle imposé de nouvelles sanctions contre la Russie après que la Pologne, membre de l’Union, a été attaquée par des drones russes ?
Et le Conseil fédéral a-t-il sévèrement condamné la Russie pour cette « violation de la souveraineté » de la Pologne ? Non, le DFAE s’est contenté d’exprimer sa « préoccupation ».
Les réactions de l’UE et de la Suisse à l’attaque israélienne au Qatar témoignent non seulement d’hypocrisie, mais aussi d’une incroyable ignorance et naïveté.
Le Qatar n’est pas un petit État innocent et inoffensif. Aux côtés de l’Iran, il est l’un des plus grands soutiens mondiaux du terrorisme et de l’islamisme radical.
Sans le Qatar, le Hamas n’aurait jamais pu mener sa lutte terroriste de plusieurs décennies contre Israël.
Les dirigeants du Hamas – des assassins de masse – vivent à Doha, la capitale qatarie, une vie de milliardaires, financée en partie par l’argent de l’UE, de l’ONU et de la Suisse destiné aux Palestiniens.
Et ce n’est pas tout. Le Qatar est aussi le principal sponsor des Frères musulmans, dont le Hamas est issu. C’est pour cette raison que le pays a été boycotté de 2017 à 2021 par ses « frères » arabes : l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn.
Les Frères musulmans sont également actifs en Europe, y compris en Suisse. Sous couvert d’organisations caritatives, ils infiltrent et radicalisent les communautés musulmanes locales, dans le but d’islamiser la société occidentale.
Le Qatar contrôle aussi la chaîne Al Jazeera. Son programme en anglais paraît modéré, mais sa version arabe est un canal de propagande islamiste radicale.
Ainsi, le Qatar représente une menace non seulement pour Israël – qu’il n’a d’ailleurs jamais reconnu officiellement –, mais pour tout l’Occident, y compris la Suisse.
Les crimes russes en Ukraine – et désormais en Pologne – ne doivent pas être minimisés. Mais à long terme, la menace que représente le Qatar pour nous est tout aussi grande, voire plus grave que celle de la Russie.
Le Qatar ne nous menace pas militairement ni technologiquement, mais il utilise ses milliards issus du pétrole pour nous infiltrer socialement, économiquement et pour influencer notre politique.
Exemples : l’organisation de la Coupe du monde de football 2022, l’achat du club Paris Saint-Germain, des investissements dans Volkswagen ou dans Credit Suisse.
Mais le plus dangereux, sur le plan politique et social, reste l’influence des Frères musulmans en Europe, rendue possible grâce au soutien financier et politique du Qatar.
Le dirigeant du pays, l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, agit discrètement, loin des projecteurs – contrairement à Poutine. Comme l’écrivait Bertolt Brecht : « On ne voit que ceux qui sont dans la lumière ; ceux qui sont dans l’ombre, on ne les voit pas. »
Le Qatar est donc le parfait loup déguisé en agneau. En Europe, on ne l’a pas encore compris – ou on ne veut pas le comprendre, tant les pétrodollars, le pétrole et le gaz naturel du Golfe sont convoités.
Mais Israël, lui, connaît parfaitement le double jeu du Qatar et l’agenda islamiste qui l’accompagne. Les soi-disant efforts « désintéressés » de l’émirat lors des pourparlers de cessez-le-feu avec le Hamas n’y changent rien. Lors de son attaque contre les dirigeants du Hamas à Doha, Israël n’a commis qu’une seule erreur : celle de ne pas avoir réussi.
Sacha Wigdorovits est président de l’association Fokus Israël et Moyen-Orient, qui gère le site fokusisrael.ch. Il a étudié l’histoire, la germanistique et la psychologie sociale à l’Université de Zurich, et a été correspondant aux États-Unis pour la SonntagsZeitung, rédacteur en chef du BLICK et cofondateur du quotidien 20 Minuten.
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